Ce que j’ai appris sur le dessin cet été

Ce que j'ai appris sur le dessin cet été - anar(t)chie, journal de bord

Bonjour à toutes et tous ! Je le mentionnais dans mon dernier article, cet été j’ai beaucoup dessiné, j’ai aussi beaucoup observé les artistes que je suis sur Instagram et j’ai fait des découvertes majeures pour ma pratique. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant de les partager ici.

Découverte #1 : Ne pas savoir dessiner sans modèle ne veut pas dire que vous n’avez pas un niveau suffisant en dessin

Je ne sais pas pourquoi c’était une croyance très ancrée chez moi, mais j’étais persuadée que puisque je n’arrivais pas à dessiner de façon satisfaisante de tête c’était forcément que je n’étais pas une artiste valable. Spoiler : c’est complètement stupide. L’histoire de l’art occidental est là pour nous prouver que les artistes utilisent des modèles depuis bien longtemps. Qu’ils les fassent poser en atelier, qu’ils peignent sur le motif (comme les Impressionnistes) ou qu’ils utilisent des photos de référence pour composer leurs œuvres, un grand nombre d’artistes dont vous admirez le travail utilisent des modèles pour leurs dessins. Vous ne le savez peut-être pas parce qu’ils ne partagent pas forcément leur processus de travail, mais c’est une réalité.

Ce que j’ai appris c’est que plus on veut dessiner de façon réaliste et détaillée, plus on a besoin de le faire avec un modèle sous les yeux. À moins d’avoir une extraordinaire mémoire photographique (peu de gens ont cette capacité), eh bien on utilise des outils pour pallier les faiblesses de notre cerveau.

Découverte #2 : Être artiste n’est pas tant une question de compétence technique qu’une façon unique et personnelle de représenter le monde

Cette découverte découle de la première. Cet été, après plusieurs mois à essayer de progresser techniquement et à me prouver que j’étais capable de produire des dessins très réalistes pourvu que j’y consacre du temps, j’ai découvert que je n’étais pas intéressée par la maîtrise technique. Il y un an, j’ai eu besoin de me rassurer sur ma capacité technique à dessiner et j’ai eu besoin de retrouver un certain niveau pour réaliser les œuvres que je voulais, mais je n’éprouve en fait pas d’intérêt pour le fait d’être virtuose.

J’ai encore plein de lacunes (le dessin est un apprentissage et une progression perpétuelle), mais cet été je me suis aperçue que ce qui m’intéressait c’était l’expression : ce qu’un dessin dégage et ce qu’il raconte à mes émotions. À présent, je ne cherche plus à améliorer mon dessin pour apprendre à représenter tel ou tel sujet, je cherche à améliorer mon dessin pour affiner mon langage et mon expression plastique dans mes représentations du monde.

aquarelle d'une mandarine
J’ai peint cette mandarine avec l’aide du tuto du Club d’aquarelle de Vivre & Créer. J’ai consacré 5 heures à cette peinture dont je suis très fière et qui m’a prouvée que j’étais capable de faire des aquarelles très réalistes si je le voulais. Depuis, je suis passée à des dessins moins léchés, mais plus expressifs, qui me donnent pleine satisfaction également.

Découverte #3 : Je peux dessiner d’après modèle et quand même faire du dessin imaginaire

Avant je croyais vraiment que le dessin d’après modèle et le dessin imaginaire étaient deux mondes hermétiques. J’ai découvert que c’était en fait deux univers très poreux et j’ai compris comment utiliser des modèles pour les modifier au gré de mes besoins de composition ou de représentation. Comme toute pratique, cela demande du temps et de l’exercice, mais c’est à la portée de n’importe qui.

Illustration "Portrait de l'artiste en colère" par Lucie Choupaut
Un bon exemple de dessin imaginaire d’après modèle même si la composition n’en est pas très complexe. Lucie Choupaut, Portrait de l’artiste en colère, septembre 2024. Aquarelle et crayon de couleur sur papier. (Tous droits réservés)

Découverte #4 : Même les artistes que vous trouvez les plus talentueux ne savent pas vraiment ce qu’ils font

Faire de l’art c’est partir d’une idée et découvrir un résultat pas tout à fait identique à celui imaginé parce que l’art dépend de différents facteurs, certains maîtrisables par l’artiste, certains totalement extérieurs et inattendus. Selon la maîtrise de l’artiste, le contrôle exercé est plus ou moins important, mais il y a toujours une part de surprise dans un dessin.

Par ailleurs, on ne progresse pas en restant dans sa zone de confort, cela signifie que chaque artiste se lance forcément tout le temps dans l’inconnu parce que l’apprentissage du dessin, ou d’une technique spécifique se fait tout au long de la vie. Quand vous observez les œuvres d’artistes que vous admirez en vous disant « mais quelle maîtrise ! », il est quasi certain qu’intérieurement l’artiste en question se soit posé tout un tas de questions, ait douté, ait fait sur le papier un mouvement qui ne le convainc pas du tout. Bref, on préjuge beaucoup trop que les artistes savent ce qu’ils font : c’est faux.

Découverte #5 : « Tricher » est ok

Découverte très importante de l’été : on s’en fout des règles du dessin académique. Si on n’est pas satisfait d’une technique qu’on ne maîtrise pas suffisamment bien à son goût et qu’on arrive à pallier le problème à l’aide d’une autre technique ? Banco, on a tous les droits. On fait ce qu’on veut parce que c’est notre art et qu’on ne doit rien à personne. On se rappelle la découverte n°2 et on kiffe selon les modalités que l’on s’invente.

De mon côté, après m’être longtemps dit qu’utiliser du crayon de couleur sur l’aquarelle c’était de la triche et que cela montrerait que je ne maîtrisais pas assez bien la technique pour avoir suffisamment de contrastes, j’ai décidé de m’en foutre et d’essayer quand même. En effet, je n’ai pas envie de passer 3 heures minimum sur chacune de mes peintures et j’ai envie d’aimer ce que j’ai fait après avoir décidé que le dessin était terminé. Or, j’ai découvert que je pouvais gagner du temps et de la satisfaction en utilisant le crayon de couleur sur une base d’aquarelle, alors pourquoi m’en priver ?

Illustration "La maison de la sorcière" par Lucie Choupaut
Lucie Choupaut, La maison de la sorcière, septembre 2024. Aquarelle, crayon de couleur et feutre noir sur papier. (Tous droits réservés)

Découverte #6 : Il y en a pour tous les goûts, des gens vont forcément trouver formidable ce que vous faites.

La réaction émotionnelle et esthétique à l’art est personnelle par définition et il se trouvera toujours quelque part quelqu’un pour être touché par ce que vous faites, même si de votre côté vous ne voyez que les défauts. La preuve c’est la variété des artistes qui diffusent leur travail sur internet et qui ont des retours positifs et parfois des communautés très importantes. Parmi cette masse d’artistes, il y en aura forcément dont vous n’aimerez pas le travail, c’est la preuve que tous les goûts sont dans la nature et c’est positif pour vous.

Découverte #7 : C’est possible de finir par aimer ce que l’on produit

J’ai longtemps cru que je ne serais jamais contente de mes dessins, que je leur trouverais toujours quelque chose à redire et que cela gâcherait toujours le plaisir que je ressentais à dessiner. Cet été, j’ai découvert qu’à force de temps, de travail et d’expérimentations, j’avais trouvé une manière de dessiner qui me donnait globalement satisfaction. Trouver cette technique mixte de l’aquarelle et du crayon de couleur et ma propre manière de l’utiliser a vraiment été un game changer. Je prends maintenant beaucoup de plaisir à dessiner et je suis globalement contente de mes dessins. Les pistes d’amélioration que je continue de percevoir ne sont plus négatives et frustrées, elles sont beaucoup plus bienveillantes et apaisées.

Illustration "Provence" par Lucie Choupaut
Lucie Choupaut, Provence, septembre 2024. Aquarelle et crayon de couleur sur papier. (Tous droits réservés)

Découverte #8 : La comparaison avec d’autres artistes peut aussi être un outil positif, mais il faut l’employer à bon escient

Quand on débute, on a tendance à se comparer avec des artistes qui ont bien plus d’expérience que nous et cela peut avoir pour effet de nous décourager et de nous maintenir dans une croyance que l’on n’y arrivera jamais. Ce genre de comparaison ne sert à rien, d’autant plus que chaque artiste a son propre style, les notions de meilleur ou de moins bons n’ont donc pas grand sens et ça ne sert personne.

En revanche, j’ai découvert qu’il pouvait y avoir une façon saine de se comparer avec les autres et cette façon saine c’est de le faire en mettant de côté ses insécurités et en ayant conscience de sa propre valeur. Si vous gardez en tête un avis objectif sur votre travail et que vous analysez le travail des autres artistes avec objectivité, cela peut notamment vous aider à renforcer votre confiance en vous. En faisant ça, je me suis personnellement rendue compte que mon travail était loin d’être nul et qu’il avait sa place dans le monde du dessin, ce dont je doutais largement il y a un an.

Découverte #9 : On ne peut pas aller plus vite que la musique, l’apprentissage prend du temps

Ça je le savais déjà, mais presque un an après mon inktober et après plusieurs mois de dessin et peinture intensifs, je mesure à quel point la maîtrise est un processus lent. Je n’aurais pas pu arriver à l’étape où je suis aujourd’hui sans tout le processus, les essais, les ratés, les demi-tours de ces derniers mois. C’est super frustrant parce qu’on aimerait arriver à un résultat satisfaisant tout de suite, mais c’est impossible et c’est super important de le garder en mémoire pour les moments de doute et de découragement. C’est la même chose pour toutes les activités. Quand j’ai commencé à coudre des costumes historiques, j’avais pour objectif d’obtenir les résultats que j’obtiens sur mes costumes aujourd’hui, mais il m’a fallu presque 15 ans pour y arriver et je continue encore de m’améliorer. On ne peut pas gagner contre le temps et il faut en prendre son parti. Je sais qu’en m’engageant depuis un an sur le travail du dessin, je me suis lancée dans une quête infinie. Heureusement pour moi, j’ai enfin trouvé le moyen pour que cette quête soit faite de plaisir et de joie.


Voilà pour mes découvertes de l’été. Est-ce que vous saviez déjà tout ça ou est-ce qu’au contraire vous tombez des nues ? Dites-moi ça en commentaire. Je m’arrête ici et je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel article. À bientôt !

Lucie

Romancière et illustratrice, passionnée d'arts du fil et d'histoire du costume, je vous propose une promenade dans mon univers, fait d'écriture, de dessin, de costumes historiques, de garde-robe cousue main, de broderie, de tricot et de réflexions politiques.

2 commentaire

  1. Bonjour, je lis assidûment tes articles, mais c’est la première fois, je crois, que je commente. Je ne dessine ni ne peins, je crée des trucs avec des tissus. Que je n’ose souvent pas montrer. Et en lisant tes conseils, j’ai l’impression qu’en moi quelque chose bouge. Tes mots simples et sincères m’ont littéralement touchée, je t’en remercie.

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