[LIVRES] Des affiches au XVIIIe siècle

Revue de livre "La ville captivée, affichage et publicité au XVIIIe siècle" - Lucie Choupaut

Bonjour à toutes et tous ! Le dernier article de blog avant une petite pause estivale va parler d’un livre que j’ai terminé il y a quelques semaines : le livre de Laurent Cuvelier, La ville captivée. Affichage et publicité au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2024. C’est un livre d’histoire sur l’affichage à Paris au XVIIIe siècle, que j’ai trouvé très intéressant. J’en avais entendu parler dans un épisode du podcast Paroles d’histoire que je vous recommande d’ailleurs chaudement si vous vous intéressez à la recherche actuelle en histoire. Attention en revanche, ça vous donnera certainement envie d’acheter des livres !

Je le répète à chaque fois, mais cela fait plusieurs années maintenant que je lis des livres de recherche historique, je suis donc une lectrice habituée et mon point de vue sur les ouvrages dépend beaucoup de cette familiarité. Cela étant, j’ai trouvé l’ouvrage de Laurent Cuvelier assez accessible quoique pointu. À vrai dire, je l’ai même trouvé plutôt immersif. Il donne vraiment une idée de ce à quoi pouvaient ressembler les rues de Paris au XVIIIe siècle et un aperçu assez précis des modes de vie citadins à l’époque. Je connais mal cette période et j’ignorais que l’affiche tenait une telle place dans la vie quotidienne, j’ai donc beaucoup aimé découvrir tout cela.

Plus familière du XIXe siècle et des critiques qui sont faites sur la publicité et les masses, j’ai trouvé intéressant de découvrir des critiques très semblables au siècle précédent. Au XVIIIe siècle, l’affiche est un objet en tension entre un idéal révolutionnaire pour faire de la pédagogie auprès du peuple et un objet dont s’empare le commerce pour faire de la publicité de façon massive.

« En étant imaginés comme une bibliothèque à ciel ouvert », les éphémères affichés sont associés aux ambitions philosophiques et pédagogiques des Lumières, mises à l’ordre du jour par les réformes de la Révolution. Cependant, cet idéal politique se heurte à l’essor de la publicité commerciale. Ce désenchantement renforce les stéréotypes sociaux et la condamnation d’un public crédule, qui n’est pas encore la foule irrationnelle ou la masse aliénée, mais souvent dépeint comme blasé ou indifférent. »

Laurent Cuvelier, La ville captivée. Affichage et publicité au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2024. p. 234
Illustration en couleurs d'un colleur d'affiche du XVIIIe siècle par Lucie Choupaut
Lucie Choupaut, tous droits réservés

J’ai aussi trouvé très intéressant de voir la place qu’occupent les affiches de spectacle dans la décoration des intérieurs pauvres. Les personnes aux revenus modestes habitent le plus souvent dans des garnis (ce qu’on appellerait aujourd’hui des meublés) et ne possèdent en propre pratiquement rien. Ces affiches récupérées deviennent alors la seule chose qui leur appartient, qui sont parfois repeintes et appropriées.

« Les imprimés des spectacle décorent et isolent l’intérieur modeste. Ils sont parfois repeints pour embellir les murs nus, et contribuent à faire de ces espaces de vie des espaces intimes, que ce soit à travers l’affection pour certains objets, voire pour certaines figures célèbres dont le nom apparaît en vedette, ou bien encore pour exprimer ses sentiments dans la décoration des pièces. »

Laurent Cuvelier, La ville captivée. Affichage et publicité au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2024. p. 108-109

Un autre élément qui m’a intéressée, c’est la manière dont les femmes utilisent l’affichage à cette période pour dénoncer les violences dont elles sont victimes, ce qui n’est pas sans rappeler les collages féministes d’aujourd’hui.

« L’abbé Mayer votre curé est un scélérat qui vient de se faire guérir de la v…, il a abusé de moi, m’a perdue d’honneur et de réputation, m’a donné son mal et m’a abandonnée ; si je n’ai formé aucune plainte contre lui c’est pour ne pas l’exposer à subir la peine qu’il a justement méritée. »

Laurent Cuvelier, La ville captivée. Affichage et publicité au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2024. passage cité à la page 242.

Tandis que j’achevais la lecture de ce livre, j’ai visité l’exposition du musée d’Orsay, L’art est dans la rue, qui traitait, elle, de l’affichage parisien au XIXe siècle, ce qui a produit une intéressante continuité.

Si vous vous intéressez au XVIIIe siècle, je ne peux que vous encourager à vous plonger dans cette lecture.


Je m’arrête ici pour cette courte revue. Je vous souhaite un bon mois d’août et vous donne rendez-vous à la rentrée. Bel été !

Lucie Choupaut

Illustratrice passionnée de travaux d'aiguilles et d'histoire du costume, je vous propose une promenade dans mon univers créatif.

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