Bonjour à toutes et tous ! Aujourd’hui, j’ai envie d’alimenter un peu cette catégorie « Livres », trop peu exploitée sur ce blog alors que j’aurais beaucoup de choses à vous partager. J’ai récemment terminé un livre d’histoire de Claire Andrieu, Tombés du ciel. Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945 publié aux éditions Tallandier avec le Ministère des armées, qui est sorti en 2021.
J’avais entendu Claire Andrieu parler de son livre dans l’excellent podcast « Paroles d’histoire » animé par André Loez, que je vous recommande d’écouter si vous vous intéressez à l’actualité de la recherche en histoire. Vous ne le savez peut-être pas, mais j’ai été inscrite en doctorat d’histoire pendant 4 ans (thèse finalement abandonnée sans regret) et j’ai gardé un grand intérêt pour les livres d’histoire un peu pointus, qui accompagnent mon petit déjeuner.
Bref, j’avais envie de vous parler de Tombés du ciel, parce qu’il met en lumière un aspect assez peu connu de la seconde guerre mondiale, avec une approche méthodologique et intellectuelle vraiment intéressante. C’est un livre pointu, mais il me semble pensé pour un public plus large que celui des seul·es historien·nes et si vous n’êtes pas effrayé·e par les gros bouquins, la lecture devrait être assez accessible. Le livre est bien écrit, de façon claire et simple ce qui, honnêtement, n’est pas toujours le cas des écrits d’universitaires.
L’objectif de cette étude de Claire Andrieu est de montrer l’engagement des civils dans la guerre. Elle constate en effet que les études historiques de la seconde guerre mondiale ont assez peu exploré le rôle actif joué par les civils durant le conflit et qu’elles ont trop souvent eu tendance à leur retirer leur capacité à agir et à prendre des décisions, qui sont des décisions politiques.
« Ce livre rend aux citoyens leur souci de la Cité en son ensemble. Il veut repolitiser la guerre »
Claire Andrieu, Tombés du ciel. Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945, Paris, Tallandier, Ministère des Armées. p.9
L’intérêt de ce livre est aussi qu’il s’agit d’un travail d’histoire comparée entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne pour mettre en valeur des tendances nationales représentatives d’une culture politique. Si, à titre personnel, j’avais une connaissance basique du sujet pour la France, je n’avais absolument aucune idée de ce qu’il en était dans les autres pays d’Europe et je vous avoue que la partie sur l’Allemagne fait froid dans le dos…
« En tombant ou en se présentant sans prévenir chez les civils, l’aviateur ou le soldat évadé pénètre au cœur des sociétés concernées. Son arrivée catalyse sur place les inclinations produites par le régime politique, la mémoire collective et les traditions culturelles. Le fugitif suscite par son apparition un concentré de culture politique nationale. »
Claire Andrieu, Tombés du ciel. Le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945, Paris, Tallandier, Ministère des Armées. p.10
La citation ci-dessus indique le postulat du livre, qui entend combler des vides notamment dans l’historiographie de la Résistance. Cette dernière a en effet eu tendance à analyser les réseaux par le haut, en s’intéressant à ceux qui ont réussi jusqu’à la fin de la guerre et à ceux dont les chefs, issus de l’élite, ont écrit leurs mémoires, mais en négligeant ceux qui ont échoué ou qui ont laissé des traces moins visibles. Si cette approche peut être intéressante en elle-même, elle pose le problème de passer sous silence une bonne partie de ce qu’a constitué la Résistance. Claire Andrieu s’attache en particulier à revaloriser le rôle joué par les femmes au niveau 1 des réseaux de Résistance, quand il s’agissait de recueillir les pilotes tombés, de les nourrir, les loger, les cacher et de travailler à leur extraction de la France occupée.
L’historienne a pour objectif de faire une histoire « par le bas » et démontre l’existence de cultures politiques nationales ancrées révélées par des comportements différenciés dans les trois pays. Toute cette réflexion montre bien que les émotions ne sont pas neutres politiquement et qu’elles sont aussi source de données pour les historien·nes.
C’est un livre dont j’ai trouvé la lecture passionnante et je vous le recommande vivement. Si cela vous fait un peu peur, je vous encourage au moins à aller écouter l’épisode de podcast où Claire Andrieu détaille son travail de recherche et une partie de ses conclusions. Ça dure 47 minutes, mais ça vaut le coup. Vous pouvez l’écouter ici.
J’espère que ce petit aperçu vous aura donné envie de vous plonger dans cette histoire. En ce qui me concerne, je vous laisse ici. J’espère avoir le temps de faire un peu de couture avant de partir en vacances dans une semaine, mais je ne garantis rien. Il est probable que le prochain mois soit un peu chaotique en termes de publications. Dans tous les cas, à bientôt !