Les poésies de lecture sont des expérimentations poétiques composées à partir de mes notes de lecture. Je vous propose ici une composition originale d’après La Commune, de Louise Michel. J’ai emprunté ses mots et les images qu’elle a convoquées dans son récit afin de rendre hommage à cette poétesse anarchiste, que je vous encourage vivement à découvrir ou redécouvrir.
Le vieux monde écrasé
à la fin d’un Empire et la foule,
de colère gonflée.
Mais une foule qui gronde est une foule qui, dans la défaite, sera saignée.
Parmi les lutteurs implacables, les femmes en nombre pour combattre l’invasion,
défendre la République et la liberté.
Ces femmes, étrangères au pouvoir et non encore corrompues,
et parmi elles, le poignard au côté, mais habillée en homme pour ne pas gêner ni être gênée.
Heure héroïque !
Prête à ne sortir que pour mourir
dans Paris, ville maudite,
qui rêvait au bonheur de tous,
contre les tyrans, nos ennemis.
Ah ! Si pour maintenir la victoire nous étions partis immédiatement à Versailles,
étouffer la réaction dans son repaire !
Mais la légalité, le suffrage universel, tous ces scrupules qui perdent les Révolutions.
Punis de n’avoir pas voulu prendre la place de ceux que le souffle populaire venait de renverser.
Et pendant ce temps là, les Prussiens continuaient d’avancer.
Contre le déluge déchaîné de l’artillerie versaillaise, la réaction,
ne pouvait subsister que la certitude qu’il ne doit pas y avoir de conciliation.
Contre la roue du pouvoir, qui écrase éternellement les déshérités,
nous, morts héroïques, prêts au sacrifice.
Contre le pouvoir maudit, ne peut exister que l’anarchie.
Certaines nuits, alors que la terre tremblait et qu’un océan se déversait du ciel,
épouvantable vision de l’hécatombe de la semaine de Mai.
Sur les corps, la chaux vive mangeuse d’homme,
de tous ces héros, bientôt vengés ensemble,
quand sur un front de bataille large comme le monde, l’émeute se soulèverait.
Les forêts seraient-elles coupées, peut-on empêcher le printemps d’arriver ?
Les fauves de Versailles, repus du carnage, se baignaient dans le sang.
Paris, ville morte. Immense sépulture, place des fêtes pour les mouches des charniers.
Sous les pavés glissants, la terre gorgée n’en pouvait plus.
Pendant plusieurs jours, la Seine pourprée ruisselait.
La Commune était morte du dernier coup de canon de son agonie.
Pour elle encore, les condamnés à morts criaient :
Vive la République universelle !
Comme elle paraissait belle depuis le poteau où l’on mourait pour elle !
La Commune était morte, mais la révolution vivait.
D’après Louise Michel, La Commune, Paris, La Découverte, 2015