La plus belle de la classe

Instantané poétique La plus belle de la classe - Carnet de recherches de Lucie Choupaut

La plus belle de la classe a les cheveux bouclés, rire de miel.
Tout le monde la regarde, têtes tournées sur la cour du lycée.
Pleine du désir des autres, et sympa en prime.
Comment la détester ?

Des classements de beauté sur la paillasse de chimie, elle toujours victorieuse
et moi dans ma grisaille transparente, moche à en pleurer.
Pas vraiment moche, mais puisqu’elle est belle c’est pareil.
Mention passable, moyenne invisible.

Je fais semblant de faire comme si, mais je crève. Crève de jalousie.
Infernal bouillon au centre de mon être, qui crie « JE LA HAIS »

Le lycée fini, les rides ont poussé au bord des yeux, les ventres arrondis,
mais la plus belle de la classe éternelle.
Jamais la même, mais jamais absente. Jamais moi.

Le rire joyeux, séduisant, que j’entends même quand elle n’est pas là.
Hantise du fantôme, ennemie inamovible. Féministe ou pas, adulte ou pas, confiante ou pas.
Je ne suis pas là, je dérive.
Des traînées de bleu sur mes joues quand je pleure.
Dépit, douleur.

Des images, son sourire, sa voix, ses cheveux beaux, ses jambes dévoilées par des jupes trop courtes, le maquillage sur ses yeux qui dit « REGARDEZ-MOI »
Tous les gens amoureux, fascinés, subjugués par la beauté et l’allure.
Place démesurée prise par elle et moi minuscule.
Dans la glace, ni pétillante, ni joyeuse, le rire sombre, la grâce absente.
La plus belle de la classe à jamais menaçante.


Photo de couverture par Christian Holzinger via Unsplash

Lucie

Romancière et illustratrice, passionnée d'arts du fil et d'histoire du costume, je vous propose une promenade dans mon univers, fait d'écriture, de dessin, de costumes historiques, de garde-robe cousue main, de broderie, de tricot et de réflexions politiques.

1 commentaire

  1. Il y a les invisibles et puis il y a celles qu’on arrête pour les appeler Claudia Chou-fleur. Celle qui quand par miracle un garçon s’adresse au hasard d’une soirée étudiante, le ton badin mais amical, voit débarquer le pote beau et prétentieux qui balance « pourquoi tu lui parles, elle est moche ».
    Et puis on grandit, on trouve l’amour, on se dit qu’au fond, ce n’était pas si grave, qu’on n’est pas si moche. Jusqu’à ce que la grossesse déforme ce corps qui n’était pas si laid, Que le poids des années, des colères et des tristesses rende les paupières lourdes et tombantes. Que la jalousie qui savait se faire discrète nous pète à la figure et nous fasse envier les jeunes et jolies, les moins jeunes mais toujours élégantes. Ce sentiment qui ajoute à la haine de son corps la haine de son âme. L’impression d’être pire que moche, ridicule.
    Alors on s’arrête, on réfléchit.

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