Bonjour à toutes et tous ! J’ai tenté de faire des photos de mon gilet Rendez-vous aujourd’hui, mais il a fait beaucoup trop moche pour avoir un semblant de lumière acceptable, je me rabats donc sur un autre partage : celui d’une de mes dernières lectures, que j’ai trouvée passionnante.
Vous le savez, je m’intéresse particulièrement à la période historique de la fin du XIXe siècle et lors de recherches précédentes, j’étais tombée sur plusieurs articles scientifiques d’Anaïs Albert, qui avait soutenu sa thèse sur la consommation des classes populaires à la Belle Époque. Cette thèse n’était malheureusement pas disponible en ligne, mais ô joie ! elle a été publiée en 2021 aux éditions de la Sorbonne et elle est aussi passionnante qu’annoncé.
« À partir des années 1880, le développement d’industries nouvelles (mécanique, électricité, chimie) est rendu possible par l’émergence d’un marché de masse, c’est-à-dire par l’accès d’une frange plus large des classes populaires urbaines à de nouveaux biens de consommation. »
Anaïs Albert, La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920), Paris, éditions de la Sorbonne, 2021. p.27.
L’étude a pris pour cible la traque des objets et des manières dont ils circulent à l’intérieur des classes populaires, en étudiant à la fois les inventaires après décès, mais aussi les catalogues de grands magasins destinés aux classes populaires, les archives du Mont de Piété, les rapports de police… Bref, c’est une étude très complète en dépit des inévitables manques archivistiques liés au sujet même.
La thèse d’Anaïs Albert s’appuie notamment sur les travaux d’Alain Faure à propos de l’aspiration au confort du peuple parisien à la Belle Époque (majoritairement issu de classes populaires) « fondée sur la valorisation de l’intimité et le désir d’être dans ses meubles« (p. 39). En effet, vivre en garni (c’est-à-dire en appartement meublé) ou à l’inverse disposer de ses propres meubles est un important marqueur social.
« La question centrale à laquelle tente de répondre cet ouvrage peut être résumée par une formule très brève : qu’est-ce que la consommation fait à la classe ? »
Anaïs Albert, La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920), Paris, éditions de la Sorbonne, 2021. p.30.
Tout le livre est passionnant, mais je me suis bien sûr particulièrement intéressée aux passages consacrés aux vêtement et notamment à ce qui constitue une garde-robe féminine à la fin des années 1880 (issus d’inventaires après décès). L’autrice note notamment une abondance des dessous car ils sont produits en masse et peu chers. Ils sont généralement gardés tout au long de la vie. Elle évoque également le nombre de jupons dans la garde-robe en fonction du niveau social : 2 ou 3 jupons pour une manouvrière, 4 ou 5 pour une servante, 6 ou 7 pour une femme de chambre. À noter que dans les inventaires, le pantalon est moins répandu que le jupon. L’autrice mentionne également que chaque garde-robe féminine contient au moins un vêtement d’extérieur.
« L’habit ne fait pas le moine et ce n’est pas parce que les membres des classes populaires ont des costumes ou des redingotes qu’ils peuvent aisément passer pour des bourgeois. La distinction se déplace au fur et à mesure de l’imitation, et, ce sont désormais les accessoires, encore rares, que désirent les classes populaires. »
Anaïs Albert, La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920), Paris, éditions de la Sorbonne, 2021. p.81.
Un autre passage est consacré à la machine à coudre et à son arrivée progressive dans les intérieurs populaires (même si sa présence reste rare). Inventée dans les années 1840, une bonne machine à coudre avec table coûte environ 400 francs dans les années 1860, alors qu’en 1891, le magazine Aux classes laborieuses propose une machine avec table pour 95 francs. On voit donc à quel point des objets d’abord luxueux se trouvent être de plus en plus abordables au tournant du XXe siècle.
« Alors qu’au XIXe siècle de nombreux hommes cousent dans les ateliers, la machine à coudre est construite par la publicité à partir des années 1860 comme exclusivement féminine en vertu de la naturalisation des compétences – un cas original puisque la présence de machines sert au contraire souvent d’argument pour exclure les femmes de certaines activités dans les usines. »
Anaïs Albert, La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920), Paris, éditions de la Sorbonne, 2021. p.102.
Bref, s’il s’agit d’un ouvrage universitaire assez dense, sa lecture n’en reste pas moins tout à fait accessible et je vous en recommande vivement la lecture. Notez que les éditions de la Sorbonne proposent une partie de leurs collections en accès ouvert sur OpenEdition Books. Le livre d’Anaïs Albert ne s’y trouve pas encore, mais il n’est pas impossible qu’il finisse par l’être dans la collection « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles« .
J’espère que cet article vous aura intéressés. J’essaye de revenir rapidement pour vous montrer enfin mon gilet fini et pour vous parler d’une exposition vue lors de mon dernier séjour parisien. À bientôt !
Très interessant, je pense que je vais acheter ce livre.