Aigres les souvenirs qui remuent dans son ventre.
Vingt ans. Vingt ans de tentative pour oublier, pour se faire croire que tout cela n’a été que le douloureux fruit de son imagination.
Elle a construit sa mémoire par blocs de mensonges, comme lorsque l’on rénove une maison en vissant du placo sur de vieux murs de pierre. Elle a reconstruit un édifice avec lequel elle est à l’aise. Un grand hôtel qui a recouvert les fondations de la petite chapelle.
La petite chapelle, elle n’en veut plus, c’est de l’histoire ancienne. Si elle le pouvait, elle en effacerait le souvenir dans l’esprit de chacune des personnes qui l’a connue avant.
Mais la vie ne le permet pas.
On a beau édifier des forteresses, le passé immuable ne les reconnaît pas. Il n’y a que des histoires, parfois bancales, qu’elle est seule à croire.
Pourtant, le passé est le passé, justement. À quoi bon chercher à le modifier puisqu’il est et perd en importance peu à peu, dans l’écoulement des années ?
Une fissure et c’est le drame, on se souvient de la chapelle, on en a des sueurs froides.
Mais si elle était demeurée là, bien visible dans son lent délabrement, on l’aurait sans doute oubliée et vingt ans plus tard, tout ce que d’autres aurait pu en dire n’aurait aucun effet.