Ce texte a été initialement publié sur le blog Le Papyrophile le 5 février 2019.
Agathe a jeté son livre. Elle l’a mis à la poubelle dans un accès de fureur dont elle seule a le secret. Si seulement elle s’était contentée de le mettre dans la corbeille, elle aurait pu aller le récupérer une fois calmée, mais non. Elle est allée tout jeter à la benne. Tous les souvenirs liés à elles, et ce livre, ce livre qu’elle a regretté sitôt abandonné, la rage encore vibrante en elle.
Elle a été bête de l’associer à cette histoire, ce livre qui l’avait tant fait grandir. Bien sûr qu’on le lui avait offert, bien sûr qu’elle se rappelait le moment précis ! Ce brunch improvisé la veille, où Maxime avait amené sa cousine en visite. Il lui suffisait d’y penser pour ressentir le vertige qu’elle avait eu en voyant Zoé. Ses yeux incroyables, ses sourcils noirs et épais. Zoé, qui l’avait immédiatement attirée. Elle avait été si troublée que c’est à peine si elle lui avait dit bonjour. Maxime avait compris, il avait fait exprès. Elle se serait jetée dans ses bras de gratitude, si elle avait été capable d’autre chose que la regarder.
Ce livre, c’était Maxime qui en avait parlé le premier, il savait qu’Agathe serait intéressée. C’était ce qui l’avait débloquée. Elle s’était mise à parler, animée, et les grands yeux noirs de Zoé l’avaient dévorée. Elles s’étaient embrassées dans la cuisine pendant qu’elles débarrassaient la table. Leurs langues s’étaient caressées. Quand Agathe avait rouvert les yeux, Zoé la regardait. Elle se mordait la lèvre, comme pour s’empêcher de recommencer. C’était juste avant de partir qu’elle lui avait donné le livre. Ce livre dans lequel elle avait écrit son numéro de téléphone au crayon à papier.
Photo de couverture par Markus Clemens via Unsplash