[LIVRES] Mohamed Saïl, anarchiste kabyle

Livres : Mohamed Saïl, L'étrange étranger. - anar(t)chie, journal de bord

Bonjour à toutes et tous ! Je voulais vous poster cet article le week-end dernier, mais j’ai beaucoup de mal à faire des trucs en ce moment donc je suis obligée d’opérer une sélection. Le week-end dernier, j’ai tricoté et cousu (et aussi beaucoup glandé), et je n’ai pas eu la motivation de bloguer. Je me rattrape donc aujourd’hui pour vous parler d’un livre terminé récemment et dont je vous recommande la lecture : Mohamed Saïd, L’étrange étranger. Écrits d’un anarchiste kabyle, Lux éditeur, 2020.

J’ai acheté ce livre lors de mon dernier passage à Toulouse, dans ma librairie préférée (Terra Nova), qui propose une belle sélection de livres de sciences humaines dont des publications récentes sur l’anarchisme.

Ce petit ouvrage est une réunion des textes de l’anarchiste Mohamed Saïl (1894-1953) par Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l’université du Québec à Montréal. Il y a quelques années (je crois en 2016), j’avais eu l’occasion d’écouter une très longue interview de Francis Dupuis-Déri dans l’excellente émission « Chroniques rebelles » sur Radio Libertaire, que j’avais trouvée passionnante. Par ailleurs, je ne connaissais pas du tout Mohamed Saïl et ça m’intéressait de découvrir sa pensée. Deux bonnes raisons de me procurer ce livre et de le lire en buvant mon thé du matin.

Mohamed Saïl, militant infatigable

Mohamed Saïl est né en Algérie à la fin du XIXe siècle dans un pays colonisé par la France depuis des décennies. Il est kabyle et ancre sa pensée anarchiste dans cette identité. Il pense en effet que la société kabyle est déjà presque à elle seule un modèle de société non autoritaire et il milite infatigablement pour que ses compatriotes algériens se libèrent de leurs chaînes.

« Le fascisme italien n’est pas plus odieux que les méthodes de la colonisation employées par les fonctionnaires de la République française. »

Mohamed Saïl, « Le calvaire des indigènes algériens », publié initialement dans Le Libertaire n° 242 du 16 août 1924, reproduit dans Mohamed Saïd, L’étrange étranger. Écrits d’un anarchiste kabyle, Lux éditeur, 2020. p.30

On ne sait pas exactement à quelle date il rejoint le mouvement anarchiste, mais Francis Dupuis-Déri situe cela autour de 1911 à 17 ans. On ne sait pas non plus à quel moment il part en France métropolitaine pour la première fois, mais il y a vécu une bonne partie de sa vie avec des interruptions (il s’engage par exemple dans la colonne Durruti pendant la guerre d’Espagne pour combattre le fascisme) et il fait plusieurs séjours en prison.

couverture du livre Mohamed Saïl, L'étrange étranger, Lux éditeur, 2020, sur ma table de cuisine.

« Les indigène soumis sont des enfants, de grands enfants qui vivaient librement et simplement avec leurs traditions. Ils naissaient et mourraient hors des trompeuses complications des sociétés modernes. Et voilà que, sous prétexte de les coloniser, on les vole, on les pille, on les dépouille. »

Mohamed Saïl, « Colonisation ! », publié initialement dans Le Flambeau n° 3 de juillet 1926, reproduit dans Mohamed Saïd, L’étrange étranger. Écrits d’un anarchiste kabyle, Lux éditeur, 2020. p.47

Le thème de la colonisation française en Algérie est omniprésent dans ces textes. Le peuple algérien est esclave et Mohamed Saïl déploie beaucoup d’énergie pour l’inciter à se révolter et à se libérer.

« Bravo ! Tu commences à te réveiller, tu entres dans la lutte sociale après avoir compris que tu es opprimé. Mais hélas ! croyant te libérer de la peste française qui te ronge, tu veux te rejeter vers le choléra islamique, qui te détruira pareillement, ou vers la politique, qui te dévorera. […] Les pauvres n’ont ni Dieu, ni Maître, ni Patrie […] »

Mohamed Saïl, « Aux travailleurs algériens (et aux autres…) », publié initialement dans Le Combat syndicaliste du 25 janvier 1935, reproduit dans Mohamed Saïd, L’étrange étranger. Écrits d’un anarchiste kabyle, Lux éditeur, 2020. p.83-84

Pour lui, il est évident que l’émancipation des peuples colonisés ne peut se faire que par les colonisés eux-mêmes, c’est pourquoi il s’adresse directement aux Algériens dans la plupart de ses articles.

« Tous ensemble, nous édifierons un régimes sans classes, le fédéralisme libertaire, où il n’existera ni maîtres, ni valets, mais seulement des hommes égaux. »

Mohamed Saïl, « Aux travailleurs algériens », publié initialement dans Le Libertaire n° 22 du 25 mars 1946, reproduit dans Mohamed Saïd, L’étrange étranger. Écrits d’un anarchiste kabyle, Lux éditeur, 2020. p.110

La colère gronde dans ses écrits. C’est un homme d’action dont la vie entière tend vers la libération des peuples et en particulier celle du peuple algérien et je trouve très important d’entendre sa voix. Cela résonne bien sûr avec les luttes actuelles dans notre société post-coloniale, mais je trouve ça intéressant de le lire aussi pour la perception de l’anarchisme lui-même et des voix multiples qui le nourrissent. Kropotkine, Malatesta, Reclus, Goldman, de Cleyre, Saïl… expriment toutes et tous leur identité unique dans leur engagement politique et social et c’est vraiment très riche de découvrir ces pensées et de s’en nourrir pour construire la sienne propre. Je n’ai pas encore pris le temps de le faire, mais il faudra que je publie ici les autres références anarchistes que j’ai lues avant d’ouvrir ce blog…


J’espère que ces quelques mots sur Mohamed Saïl vous auront donné envie de découvrir sa vie et son engagement. Je vous laisse ici et je reviens dans quelques jours pour vous parler de choses beaucoup plus futiles (et c’est ok). Bonne semaine !

2 commentaire

  1. Merci pour cette découverte . Je vais me mettre en quête de ce livre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.