L’écriture de ce texte (initialement publié sur Le Papyrophile le 23 décembre 2018) a été contrainte par dix mots imposés par une amie : mièvre, joker, ampoule, antenne, grizzly, tuba, pétrole, sentiment, paille, customisation.
Derrière le poêle bleu pétrole, une fenêtre ouverte sur le vide. Un champ de paille à perte de vue, qui glace le cœur de qui se souvient des herbes hautes et dansantes de l’été. Les brins calcinés répandent au sol une odeur douçâtre, ils auréolent la cabane comme une couronne de terre.
Comme une antenne solaire, la maison est restée debout tandis que la prairie agonisait sous le rugissement de grizzly des flammes. Elle est restée là, immobile et calme, à peine noircie par les fumerolles.
Sur le mur extérieur, l’ampoule qui grésillait a éclaté sous la chaleur. Son cadavre est un vestige.
L’empreinte du banc de bois creuse dans la pierre un sourire de joker, une plaie béante, un hurlement sonore dans le chaos.
Et au milieu de la désolation, son regard mièvre, qui scintille de larmes. Elle croit que c’est son amour qui a protégé la maison, alors que ce sont les pierres. Elle croit au sentiment-bouclier, celui qu’elle arbore en façade, qui à l’égal d’un tuba lui permet de respirer.
Elle aime celui qui va revenir et qu’elle attend, celui pour qui elle s’est adonné à la customisation de son jardin de racines. Dehors, pour l’accueillir, elle a dressé une arche tressée. Une arche de paille brune pour la célébration de son amour brûlé.
Photo de couverture par Nastya Kvokka via Unsplash